Deux pancakes dans les mains, je regarde la télé comme d’habitude. Mais, cette journée ne sera pas comme les autres. Je le sens. Ma mère est cloîtrée dans sa chambre, et mon père est au téléphone depuis maintenant 2h. On a déménagé plus de six fois pour échapper à la police qui traque mon père depuis son évasion. D’un coup, j’entend un bruit assez fort provenir du bureau de mon père ; il vient de raccrocher le téléphone et l’a éclaté contre la moquette. Je dépose mon plat sur la table en verre et avance lentement, en trainant ma couette jusqu’au bureau de mon père. Je pose mon épaule contre l’encadrement de la porte, et je le fixe. Un long silence s’en suit. Il sort une mallette, qu’il dépose sur la surface marbrée du bureau, en me regardant de temps en temps. Dedans, une belle somme d’argent est présente, qu’il recompte en feuilletant les billets si rapidement que je n’ai pas pu suivre. Lorsqu’il finit, il s’approcha de moi, avant d’attraper ma main pour me ramener dans le jardin. Une Jeep, aux motifs militaires, m’attendait apparemment. Je n’étais même pas habillée, je comprenais rien, on m’emmenait dans un endroit inconnu. Ça ne sera pas une maison, j’en suis sûre.

Six longues heures passent, je m’étais endormie, mais des secousses m’ont réveillé. Un endroit, reculé, entouré de sable et de dunes brunies par le soleil l’encerclaient. Ça m’effrayait, mais le chauffeur avait l’air d’être une personne de confiance, donc je n’avais pas à m’en soucier. Du moins, je faisais mine d’être confiante, en espérant que mon jeu d’acteur fonctionne sur eux. Lorsque la voiture s'arrête, je descends immédiatement, sans les attendre. Le lieu était impressionnant, une bâtisse immense et entièrement brillante était devant moi. La lumière du soleil se réfléchissait dessus, comme un gigantesque miroir. Devant, des écritures étaient apparentes. « PSTI », qui signifiait Private Scientific Training Institute. Ça me dit rien qui vaille.

« - Vise au milieu. Nous calculons tout au millimètre près, fais attention Laurel. »

J'inspire… puis… je lance cette carte. Elle n'atteint toujours pas le milieu de la cible. Enfin, elle l'atteint, d'un point de vue normal. Mais ici, le moindre écart est synonyme d'échec. Je regarde de l'autre côté de la vitre en haussant les épaules, tirant la moue. Le scientifique me regarde, exaspéré. En même temps, ça fait déjà deux semaines qu'il essaie de perfectionner ma visée, sous la demande de mon père. C'est raté. Il sait que je n'y mets pas du mien, car j'en ai pas envie. Cependant, on peut remarquer que ma force, en à peine deux semaines, a bien évolué. Dans le bon sens du terme. Mes cartes s'enfoncent de plus en plus dans la cible, bientôt, elles pourront sûrement passer au travers.

« - Il faut que t'y mettes du tien, Laurel. C'est pas en tirant de cette façon que tu réussiras à être la fierté de ton père. »

Il m'énerve, à tout ramener à mon père. Je suis pas la fille qu'il veut, et je l'sais, mais je sais aussi que je peux tout à fait toucher cette cible quand j'veux. J'attrape une carte au hasard, et la lance, concentrée. Elle atteint le milieu, le centre parfait. Le scientifique me regarde bouche bée, et moi, je souris. Ça m’amuse de l’voir choqué, et franchement, c’est la seule chose qui m’a fait sourire ici. Je sors de l’endroit confiné pour aller dans la salle commune, qui est vide. En même temps, je vois pas qui viendrait s’entraîner dans un endroit aussi reclus du monde et de la société. Mon père voit les choses beaucoup trop loin, il pense réellement qu’avoir une vie sociale peut nuire à ma visée. Pathétique. Mais bon, dans tous les cas, impossible de sortir d’ici. Le moindre de mes pas est filmé, suivi, entendu. Tenter de m’enfuir ne servirait qu’à raccourcir ma vie.

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